Motion : Mieux vaut prévenir que guérir, y compris pour les transformations de locaux de travail

Stéphane Montangero, député, président du PS vaudois – Motion déposée le 1er juin 2014

On est toujours plus intelligent après. C’est souvent ce que l’on se dit, une fois certains propos tenus ou constructions terminées. Or, l’approbation des plans est un moyen extrêmement efficace dans le domaine de la prévention des atteintes à la santé (art. 6 LTr1) et de la sécurité au travail (art. 82 LAA2), et ce dès le moment de la planification d’une construction destinée à abriter les locaux d’une entreprise. Lorsqu’une construction est terminée, d’éventuelles modifications ultérieures, exigées pour des raisons de protection des travailleurs, ne peuvent en général être entreprises qu’avec de très gros efforts et surtout à grands frais.

1 LTr : loi fédérale sur le travail dans l’industrie, l’artisanat et le commerce (RS 822.11).

2 LAA : loi fédérale sur l’assurance-accidents (RS 832.20).

3 Motion Grégoire Junod et consorts – Lumière naturelle au travail : traiter le problème à la source ! (09_MOT_087).

4 434 – Rapport du Conseil d’Etat au Grand Conseil sur le postulat Grégoire Junod et consorts « Lumière naturelle au travail : traiter le problème à la source ! ».

Ainsi, la question de la lumière naturelle pour les places de travail reste fortement d’actualité et fait toujours débat, comme l’a montré le récent arrêt du Tribunal administratif de Zurich qui a estimé que jouir de la lumière du jour constituait un élément à part entière dans la protection de la santé. Au plan vaudois, rappelons que si notre parlement s’est penché sur la question suite à la motion de notre ancien collègue Grégoire Junod, motion transformée en postulat3, le tout avait été finalement refusé. A l’époque, le Conseil d’Etat concluait sa réponse en indiquant que « (…) le Conseil d’Etat est très sensible à cette problématique. Il peut garantir que les inspecteurs du travail du Service de l’emploi et de l’Inspection du travail de la Ville de Lausanne veillent à appliquer la législation avec toute la diligence et la rigueur voulues lorsque les plans des locaux commerciaux sont soumis pour examen et lors de leurs contrôles dans les entreprises.4«

Un des problèmes réside justement dans le fait du caractère potestatif de la soumission desdits plans, ceux-ci n’étant pas systématiquement soumis. Ainsi, nous pouvons nous interroger quant aux premiers exemples qui nous viennent en tête, pour savoir si les plans avaient été ou non présentés à l’avance. Nous pensons par exemple :

– Aux Portes de St-François à Lausanne, avec leurs magnifiques escalators qui donnent sur l’extérieur et les magasins sur le béton du sous-sol.

– Aux magasins du Flon en sous-sol, sans puits de lumière et avec des vitrines avec peu d’employé-e-s en surface.

– Au magasin du Pont Bessières (anciennement garage Magestic) qui a une vue superbe sur l’escalator, lequel se trouve devant les baies vitrées.

Et nous ne parlons pas ici des entreprises qui ont des espaces vitrés, mais qui les masquent, notamment par de la publicité !

Nous sommes persuadés que des solutions répondant aux normes légales en vigueur eussent été possibles. Mais une fois les travaux conséquents effectués, il est difficile de tout chambarder et les personnes qui effectuent les contrôles a posteriori ne peuvent que constater les dégâts.

A ce propos, nous sommes persuadés qu’il serait également fortement dans l’intérêt des propriétaires d’avoir des locaux directement conformes aux normes légales, plutôt que de devoir par la suite demander une autorisation de déroger aux prescriptions de l’ordonnance 3 de la LTr.

Législation actuelle vaudoise 2

Actuellement, les municipalités ont la charge de vérifier la conformité de tout projet avec les règles légales, qui sont nombreuses et complexes. Ceci comprend également la protection de la santé et la prévention des accidents.

La LTr rend obligatoire l’approbation des plans pour les entreprises industrielles ou assimilées. Une autorisation d’exploiter est également délivrée à l’employeur avant l’utilisation de ceux-ci. Par contre, les autres entreprises peuvent requérir à bien plaire la procédure d’examen des plans auprès de l’inspection du travail. Ceci ne dispense pas ces entreprises de répondre aux exigences de l’ordonnance 3 de la loi sur le travail qui traite le domaine en question, ainsi que de l’ordonnance 4 de la loi sur le travail comme état de la technique.

L’article 17 de la loi cantonale sur l’aménagement du territoire et les constructions (LATC) à son alinéa 3, oblige les municipalités à vérifier la conformité de tout projet avec les règles légales. En outre, le règlement d’application de cette dernière mentionne, section II « salubrité des constructions », des exigences quant au volume, à la hauteur des locaux, à l’éclairage et à la ventilation, exigences contenues également dans l’ordonnance 3 de la loi sur le travail.

Un arrêt du 29 mai 2012 — 2C_922/2011 — du Tribunal fédéral mentionne la possibilité pour les cantons de prévoir que l’autorité compétente examine dans tous les cas la situation des postes de travail d’une entreprise en voie d’installation à titre préalable et donne un préavis suggérant des améliorations ou des modifications liées à l’hygiène au travail.

En revanche, le même arrêt opère une distinction nette entre la procédure d’approbation des plans des entreprises industrielles au sens des articles 5 et 7 LTr et la procédure d’examen des plans des entreprises non-industrielles. En effet, lors d’une procédure d’approbation de plans pour une entreprise industrielle ou assimilée, l’organe d’exécution peut exiger une mise en conformité des locaux avant de donner l’autorisation d’exploiter ou même d’en interdire l’exploitation, selon les articles 7 et 8 de la LTr et les articles 1, alinéa 1, et 37 à 40 de l’ordonnance 4.

En ce qui concerne la procédure d’examen des plans pour les autres entreprises, l’organe d’exécution donne un préavis à l’employeur sur les locaux projetés. Si l’employeur n’en tient pas compte, l’organe d’exécution constatera, lors d’un contrôle, le non-respect de la législation et demandera une mise en conformité selon la procédure d’exécution prévue à l’article 51 ss LTr.

Etat dans d’autres cantons romands 

Les cantons de Genève (art. 13 du Règlement d’application de la loi sur l’inspection et les relations du travail J 1 05.01), du Valais (art. 6 de la loi sur le travail, RS-VS 822.1), de Fribourg (art. 47 de la loi sur l’emploi et le marché du travail, RS-FR 866.1.1), du Jura (art. 10 de la loi les activités économiques RS-JU 930.1) et de Neuchâtel (Règlement d’exécution de la loi d’introduction de la loi fédérale sur le travail dans l’industrie, l’artisanat et le commerce RS-NE 811.101) prévoient une procédure obligatoire de préavis pour les entreprises non industrielles. Ainsi, dans l’ensemble des cantons qui nous entourent, l’examen des plans a lieu avant les travaux.

Nous estimons que notre canton se doit de combler son retard en la matière. Ainsi, en conclusion de ce qui précède, nous demandons au Conseil d’Etat, par la présente motion, de modifier la loi sur l’emploi (LEmp) afin d’y inscrire des dispositions garantissant que les locaux visant à accueillir des places de travail répondent pleinement aux exigences de l’ordonnance 3 de la loi sur le travail, comme suit :

Art. 49 Approbation des plans et examen des plans 

1 Toute construction, transformation ou agrandissement d’une entreprise industrielle ou d’une entreprise non industrielle assimilée au sens de la LTr doit faire l’objet d’une approbation préalable des plans selon la procédure prévue par l’ordonnance 4 relative à la LTr.

2 Les autres entreprises occupant au moins un travailleur ont la possibilité de faire examiner leurs plans auprès du Service afin de s’assurer de leur conformité

2 Toute construction, transformation ou agrandissement de locaux de travail des autres entreprises occupant au moins un travailleur doit être soumis à l’examen des plans auprès du Service afin de s’assurer de leur conformité.

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