Stéphane Montangero, député, président du PS vaudois – Postulat déposé le 25 novembre 2014
Le 4 novembre dernier, la presse romande s’est fait l’écho de Swisstabac (Fédération des associations suisses de planteurs de tabac) et a évoqué la mise en place d’un nouvel accord entre les producteurs de tabac et les cigarettiers, accord rendu possible, est-il indiqué, grâce à la médiation du conseiller d’Etat vaudois Philippe Leuba. Cité dans l’article du 24heures, le chef du Département de l’économie et du sport affirme que « Le tabac est important pour la santé financière des exportations ». Swisstabac espère par ailleurs que cette nouvelle convention suscitera des vocations auprès des jeunes agriculteurs qui pourraient se lancer dans la culture de tabac. Il est sans doute bon de rappeler ici que le tabac utilisé pour les cigarettes made in Switzerland n’est pas connu pour être un « 1 grand cru » en la matière et ne représente que 5% du tabac
Or, le tabagisme est le principal facteur de risque des maladies non transmissibles (cancers, maladies cardiovasculaires, maladies respiratoires). Chaque année en Suisse, 9000 personnes meurent d’une maladie liée à la consommation de tabac. Faut-il le rappeler, les coûts du tabagisme à charge de la collectivité ont été estimés par l’Université de Neuchâtel à 10 milliards de francs annuels. De plus, selon l’échelle européenne « Tobacco Control Scale » , la Suisse accuse un retard en matière de politique de prévention du tabagisme, notamment en raison de ses très faibles restrictions de la publicité pour le tabac et de la non-ratification de la Convention-cadre de l’OMS.
La Convention-cadre de l’OMS pour la lutte anti-tabac , signée par la Suisse en 2004, constitue le document de référence au niveau international en matière de lutte contre le tabagisme. L’article 17 concerne la « Fourniture d’un appui à des activités de remplacement économiquement viables » et dit que « Les Parties s’efforcent, en coopérant entre elles et avec les organisations intergouvernementales internationales et régionales compétentes, de promouvoir, le cas échéant, des solutions de remplacement économiquement viables pour les cultivateurs, les travailleurs et, selon qu’ il conviendra, les vendeurs. »
Suivant cette Convention-cadre, l’Etat devrait mettre en place des mesures visant non pas à encourager la production de tabac, mais à soutenir des solutions permettant une reconversion économique viable aux cultivateurs. Ceci est d’autant plus nécessaire en raison de la situation difficile dans laquelle la branche du tabac se trouve aujourd’hui. Comme le témoigne l’article cité précédemment, les cultivateurs sont en proie à une industrie du tabac qui exerce une pression importante sur eux avec des exigences de plus en plus fortes.
Ainsi, au vu de ce qui précède et soucieux de la santé économique et humaine de notre canton, nous demandons au Conseil d’Etat, par ce postulat, de fournir au Grand Conseil un rapport présentant une posture claire et cohérente vis-à-vis du tabac. Nous demandons en particulier que soient étudiés :
- L’évolution des montants octroyés par l’Etat (Confédération et canton) aux cultivateurs sur les dix dernières années, l’évolution des montants octroyés par la Confédération aux divers cantons, le nombre d’exploitations concernées par ces soutiens financiers et les probabilités concernant une possible pérennisation à long terme de ces sources de financement.
- Les différentes options permettant un remplacement de la culture du tabac au profit d’autres cultures, orientées vers les marchés d’avenir, apportant un revenu égal ou supérieur à celui issu de la culture du tabac, ainsi que les moyens nécessaires pour permettre ces reconversions.
- Le rôle que pourraient jouer l’Etat de Vaud et/ou la Confédération dans l’encouragement de ces cultures de remplacement, ainsi que les moyens nécessaires.
Nous demandons le renvoi du présent postulat à une commission.
Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures.
Développement
(Signé) Stéphane Montangero et 37 cosignataires
M. Stéphane Montangero (SOC) : — Fumer tue, toujours et encore. Chaque année, en Suisse, 9000 personnes meurent d’une maladie liée à la consommation de tabac. Mais, on le sait bien plus aujourd’hui que ce n’était le cas il y a encore vingt ans. Ainsi, quasi tous les paradigmes qui concernent la consommation de tabac ont évolué ces dernières années et certaines évolutions se sont faites à une vitesse que personne ne soupçonnait, ni ne pouvait même espérer, si je pense par exemple aux milieux de prévention du tabagisme. En effet, qui aurait parié un kopeck, il y a vingt ans, que la fumée serait interdite de tous les lieux publics ? Ni vous ni moi ! Aujourd’hui pourtant, une personne qui allume une cigarette dans un bistrot est remise en place illico presto.
La convention-cadre de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour la lutte anti-tabac, signée par la Suisse en 2004, constitue le document de référence au niveau international en matière de lutte contre le tabagisme. Son article 17 s’intitule «Fourniture d’un appui à des activités de remplacement économiquement viables. » Il indique que « les parties s’efforcent, en coopérant entre elles et avec les organisations intergouvernementales, internationales et régionales compétentes, de promouvoir, le cas échéant, des solutions de remplacement économiquement viables pour les cultivateurs, les travailleurs et, selon qu’il conviendra, les vendeurs. »
Suivant cette convention, l’Etat devrait mettre en place des mesures visant, non pas à encourager la production de tabac, ni à la rendre plus rentable — comme on a pu l’apprendre récemment — mais bien à soutenir des solutions de reconversion économique viable pour les cultivateurs, leur garantissant un véritable avenir à moyen et long termes, plutôt que des profits à court terme. C’est d’autant plus nécessaire que la branche du tabac se trouve dans une situation difficile depuis de nombreuses années. Les cultivateurs sont en proie à une industrie du tabac qui exerce une pression importante sur eux, avec des exigences de plus en plus fortes. Nous le voyons : tous les indicateurs montrent que la culture indigène du tabac date d’un autre âge. Il nous faut donc anticiper la mort d’une activité économique sur le déclin et favoriser la conversion des cultivateurs. En effet, au moment où l’industrie du tabac le pourra, soyons sûrs qu’elle n’aura aucun scrupule à fermer le robinet du fonds de soutien. Les agriculteurs se retrouveront avec de lourds investissements qui ne serviront plus à rien. Cette situation peut se produire dès demain. Nous voulons l’anticiper afin de permettre aux agriculteurs de sortir de la culture du tabac la tête haute.
C’est là le sens de ce postulat. Plutôt que de vouloir à tout prix maintenir sous perfusion un secteur voué à disparaître, nous préférons utiliser les moyens financiers à soutenir les agriculteurs, pour leur permettre de remplacer la culture du tabac par d’autres cultures, orientées vers des marchés d’avenir, leur apportant un revenu égal ou supérieur à celui issu de la culture du tabac, ainsi que les moyens nécessaires pour permettre les reconversions.
En conclusion, il est sans doute bon de rappeler que le tabac suisse n’est pas connu pour être « un premier grand cru. » Il ne représente que 5% du tabac utilisé dans les cigarettes made in Switzerland. Je donne quelques chiffres pour expliquer le propos. Dans notre canton qui, avec celui de Fribourg, produit 80% du tabac indigène, nous sommes passés, en vingt ans, de 125 producteurs à 56 avec une surface de production passant de 238 à 156 hectares. Pour permettre une comparaison actuelle avec les chiffres de 2013, le tabac occupe 156 hectares alors que la surface agricole utile de notre canton est de 109’129 hectares, répartis sur 3841 exploitations agricoles, dont 56 cultivent le tabac. Cela remet les données dans leur juste proportion. Bien sûr, même s’il ne s’agit que de peu de personnes, il est important de pouvoir garantir un avenir à ces 56 familles et de pouvoir leur assurer de futurs moyens d’existence, loin de la production du tabac. Nous nous réjouissons de pouvoir prochainement parler avec vous de tous ces aspects, en commission.
Le postulat, cosigné par au moins 20 députés, est renvoyé à l’examen d’une commission.