Postulat – Quelle efficacité pour la police coordonnée ?

Jean Tschopp, député – Postulat déposé le 3 mars 2015

Le 27 septembre 2009, les Vaudois rejetaient à 54 % l’initiative populaire cantonale « Pour une police unifiée et plus efficace ». Implicitement, ils apportaient leur soutien à la police coordonnée présentée comme contre-projet indirect à l’initiative et visant, selon la Convention sur la réforme de l’organisation policière conclue entre l’Etat de Vaud et les communes, à rationnaliser l’organisation policière du canton sans supprimer les polices municipales. Parmi les buts de la Convention figure notamment l’instauration d’une collaboration étroite entre les autorités responsables de la sécurité publique et l’accroissement de l’efficacité des forces de police par une meilleure coordination.[1] Ces lignes de conduite étaient reprises dans la loi sur l’organisation policière vaudoise (LOPV) entrée en vigueur en 2012.

Aujourd’hui, les effectifs de police ont augmenté, du moins à la gendarmerie et dans certaines grandes communes. Après trois années d’augmentation de la criminalité observée entre 2009 et 2012, ce renforcement des effectifs est l’un des facteurs, parmi d’autres, qui a certainement contribué, depuis 2012, à une légère diminution du nombre d’infractions au Code pénal enregistrées par les polices vaudoises.[1] En parallèle, l’augmentation des moyens alloués à la chaîne pénale (augmentation du nombre de Procureurs et des places de détention) a entraîné un accroissement du nombre de condamnations.[2]

Malgré cette stabilisation de la criminalité qui reste encore à confirmer, pour notre canton, les défis sécuritaires liés à une criminalité transfrontalière en plein essor restent nombreux. Les réponses à apporter doivent être adaptées à ces nouvelles formes de criminalité. En 2009, le Conseil d’Etat présentait la police coordonnée comme le moyen adapté pour supprimer les trop nombreuses disparités et redondances dans l’organisation policière, occasionnant trop de pertes de temps et d’information.[3] Parallèlement, la Convention sur la réforme de l’organisation policière devait permettre dès 2015, l’harmonisation des statuts de fonctionnaires de police afin de supprimer la concurrence entre les différents Corps et pour envisager, à terme, une unification des statuts.[4]

Sur le plan financier, le mécanisme de bascule de l’Etat de Vaud aux communes prévoyait l’affectation de deux points d’impôts supplémentaires à la sécurité.[5] À ce jour, les communes financent une péréquation indirecte correspondant à la différence entre le montant total des missions générales de la Police cantonale et le montant facturés aux communes sans police communale.[6]

Cinq ans après l’adoption de ce dispositif de police coordonnée, la nécessité d’un renforcement de l’entraide entre les différents Corps de police reste d’actualité pour répondre aux différentes formes de criminalité. Ce renforcement devrait être facilité, puisque tous les aspirants suivent la même formation portant sur toutes les facettes du métier.

Enfin, les nombreuses communes délégatrices (qui fonctionnaient précédemment sur la base d’un contrat de prestation avec la Police cantonale) ne sont plus en mesure d’assurer une police de proximité, pourtant essentielle dans son rôle de prévention. Pourtant, la formation dispensée aux aspirants inclut désormais des modules liés à la police de proximité qui permettraient à la police cantonale d’assumer ce mandat. La Police cantonale pourrait, notamment, renforcer son mécanisme de répondants. En cas de problème sécuritaire récurrent dans un lieu défini (cambriolages, développement de zones de deal, etc.), ce système doit permettre à la Police cantonale d’organiser sans délai l’intervention de patrouilles de manière efficace.

Suffisamment de temps s’est aujourd’hui écoulé pour évaluer la mise en œuvre du modèle de police coordonnée en regard des objectifs précités et des défis sécuritaires actuels ou à venir.

Fondés sur ce qui précède, les députés soussignés prient le Conseil d’Etat de mandater un expert indépendant ayant pour objectif d’établir une étude sur la mise en oeuvre de la police coordonnée et des missions générales de police incluant :

  • une évaluation de l’efficacité et de l’efficience du dispositif en lien avec les défis sécuritaires actuels et futurs incluant la criminalité transfrontalière
  • un examen de l’évolution des coûts des missions générales de police, de l’affectation du solde du mécanisme de péréquation indirecte et enfin de la répartition de ses coûts entre canton, polices intercommunales et communes, d’une part, et entre communes elles-mêmes, d’autre part
  • une analyse des besoins en terme d’effectifs de police et des modalités liées à la coordination, au déploiement et au renforcement d’une police de proximité sur l’ensemble du territoire cantonal
  • une analyse de l’état d’avancement de l’harmonisation, voire de l’unification des statuts des fonctionnaires de police.

[1] Situées autour de la barre des 60’000 par an en 2009, le nombre annuel d’infractions au Code pénal a atteint en 2012 le nombre de 80’000 pour redescendre en 2013, légèrement en dessous de ce seuil de 80’000. Statistiques policières vaudoises de la criminalité, rapport annuel 2013, p. 78.

[2] Entre 2009 et 2013, le nombre annuel de condamnations dans le canton de Vaud pour des crimes ou délit est un passé d’un peu plus de 8000 à plus de 14’000. Annuaire Statistique Vaud 2015, p. 414.

[3] Brochure explicative du Conseil d’Etat vaudois pour les votations du 27 septembre 2009, p. 5.

[4] Convention sur la réforme de l’organisation policière, art. III ; voir aussi art. 1 al. 2 let. e et 25 al. 5 LOPV.

[5] Convention sur la réforme de l’organisation policière, art. IV.1.

[6] Art. 45 LOPV.

[1] Convention sur la réforme de l’organisation policière, art. I ; art. 1 al. 2 let. d LOPV.

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