Enfin une loi pour habiter moins cher

Pierre Zwahlen – Opinion parue dans le 24Heures du 3 septembre 2016

C’est ici que les loyers ont bondi plus vite, plus haut que partout ailleurs en Suisse. La différence est accablante : sur le marché locatif de nos cantons lémaniques, les prix offerts ont grimpé de 220% depuis 15 ans, tandis qu’ils progressaient de 160% au Tessin ou en Suisse centrale et moins encore à Zurich dans le même temps (source: Wüest et partenaires 2016). La pénurie a des effets cruels. Pour disposer d’un toit sur Vaud, quatre locataires sur dix consacrent un quart de leur budget – ou davantage.

Longtemps, les autorités vaudoises n’ont rien voulu voir. L’initiative de l’ASLOCA «Stop à la pénurie» a fait bouger les choses. Lentement mais sûrement. Le Conseil d’Etat s’est fendu d’un projet. Le parlement et sa commission ont tergiversé, puis renvoyé le paquet logement à l’expéditeur. Mais désormais, la loi qui vise à préserver et promouvoir le parc locatif donne les moyens de soulager de nombreux locataires. Solidement approuvée ce printemps au Grand conseil, cette loi permet à la fois d’empêcher les loyers de s’envoler, suite aux rénovations ou transformations, et d’augmenter les logements abordables avec les outils adaptés.

La loi est si bonne que les milieux immobiliers ont fait aboutir contre elle un référendum ! Au centre et à droite pourtant, beaucoup d’élus ont aussi soutenu un dispositif intelligent et bien délimité. A raison, ils ne partagent pas les craintes de propriétaires. Car celui qui veut vendre son bien-fonds ne perdra rien, si la commune (ou le canton) achète le terrain au prix déjà fixé avec un acquéreur intéressé. Le droit de préemption ne touche pas aux intérêts du concubin ou des parents proches ni aux gains du propriétaire. Ce dernier pourra d’ailleurs racheter son bien au même prix, si l’autorité n’a pas fait les pas suffisants pour produire des logements d’utilité publique dans les 3 ou 5 ans. De plus, les investisseurs pourront construire davantage de surfaces habitables (bonus), s’ils destinent 15% au moins de l’aire de plancher à des appartements abordables.

Grâce à la loi mise en votation, les démolitions, rénovations ou transformations d’immeubles ne feront pas exploser les loyers. Le département cantonal les autorisera ou non ; il pourra surtout limiter la répercussion des coûts des travaux sur les loyers et contrôler le revenu locatif durant cinq ans. Nouveau : les locataires seront informés et consultés par écrit au préalable sur le projet et ses effets sur les loyers. C’est en se concertant qu’on trouve les meilleures solutions.

Les hurlements de représentants immobiliers contre la loi se justifient ainsi d’abord par la profitabilité sans frein de leurs affaires. Celles et ceux qui souhaitent enfin habiter à moindre prix la soutiendront de tout cœur.

Pierre Zwahlen

Secrétaire général adj. ASLOCA Suisse

0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notifications
guest
0 Commentaires
Inline Feedbacks
View all comments