Interpellation – Les avatars d’Uber

Jean Tschopp, député – interpellation déposée au Grand Conseil le 13 mars 2018

Le 19.03.2018, une commission ad hoc du Grand conseil débutera ses travaux sur le projet de loi du Conseil d’Etat vaudois régissant l’activité des VTC (loi sur l’exercice des activités économiques).

Les événements récents survenus dans le canton de Genève ont plusieurs répercussions pour le canton de Vaud. La loi genevoise sur les VTC est entrée en vigueur le 01.07.2017 (LTVTC). Trois entités actives dans ce secteur et notamment dans le transport de luxe, Pégase Léman, Starlimoluxe.ch et Diagne Limousine emploient des chauffeurs exerçant à Genève. Ces entreprises sont partenaires d’Uber, qui encaisse des commissions sur leurs courses. Ces trois entités sont toutes enregistrées dans le canton de Vaud. Les véhicules de ces entreprises sont immatriculés avec des plaques vaudoises. Pourtant, la loi impose que les véhicules soient immatriculés à leur lieu de stationnement et non au siège de l’entreprise détentrice (art. 11 LCR). Cette pratique viole la loi.

Le 06.12.2017, plusieurs chauffeurs employés des sociétés partenaires d’Uber se mettaient en grève pour protester contre leurs conditions de travail : salaires de l’ordre de CHF 2500 nets pour un 100%, voire pour plus de 45h/semaine, non-couverture auprès des assurances sociales, permis de travail obtenus sur la base d’indications fausses. Le 01.02.2018, une procédure de médiation entre Uber, son partenaire Pégase Léman et les chauffeurs, assistés d’Unia Genève, sous l’égide du Département genevois de la sécurité et de l’économie (DSE), échouait. Le jour même une seconde procédure de médiation impliquant un autre partenaire d’Uber, Starlimoluxe.ch, se clôturait faute d’accord. Un troisième entité, Diagne Limousine, employant des chauffeurs frontaliers pour transporter la clientèle d’Uber, est également en conflit avec ses employés. Des procédures prud’hommales sont prévues par les chauffeurs contre leurs employeurs dans le canton de Genève. Des démêlés pénaux sont aussi attendus.

En dépit de la décision de la SUVA qualifiant Uber d’employeur, la société californienne conteste son statut d’employeur. Un recours est pendant contre cette décision. Le montage d’Uber à Genève et ses conséquences pour le canton de Vaud jettent un nouvel éclairage sur le statut d’Uber. Le contrat de partenariat entre Uber d’une part, et Pégase Léman, Starlimoluxe.ch et Diagne Limousine, d’autre part, met en relation les chauffeurs avec la clientèle de la plateforme Uber. Il semble que l’essentiel de l’activité de ces entreprises partenaires dépende de leur mise en relation avec la clientèle d’Uber. Pégase Léman, Starlimoluxe.ch et Diagne Limousine apparaissent comme un paravent pour Uber qui facture des commissions sur leurs courses. Cette triangulation présente plusieurs similitudes avec une location de services, dans laquelle Uber agirait comme bailleresse pour le transport de luxe et Pégase Léman, Starlimoluxe.ch et Diagne Limousine comme locataires de services. Cette qualification assujettirait Uber à la CCT sur la location de services pour assurer des salaires minimaux aux chauffeurs. Pour l’Etat de Vaud, cette situation permettrait une meilleure traçabilité et une récupération de revenus soustraits aux impôts et aux assurances sociales. Cette action s’inscrit également dans l’objectif de combat contre la sous-enchère salariale figurant en bonne place dans le Programme de législature du Conseil d’Etat 2017-2022 (mesure 2.4).

Attachés au combat contre la sous-enchère et la concurrence déloyale, les députés soussignés adressent les questions suivantes au Conseil d’Etat qu’il remercie d’avance pour ses réponses :

  1. Uber est-elle bailleresse des services des sociétés et entreprises Diagne Limousine, Starlimoluxe.ch Sàrl et SNC Pégase Léman ?
    1. Si oui, Uber et ses partenaires sont-ils liés à la Convention collective de travail sur la location de services et aux salaires minimaux applicables ? Dans ce cas, Uber est-elle soumise à une autorisation cantonale ou fédérale de location de services pour le transport de luxe
    2. Sinon, comment qualifier la nature du partenariat entre Uber et ses partenaires précités ?
  2. L’immatriculation des véhicules des sociétés et entreprises Diagne Limousine, Starlimoluxe.ch Sàrl et SNC Pégase Léman dans le canton de Vaud respecte-elle la loi sur la circulation routière ? Sinon, les permis de circulation seront-ils retirés ?
  3. Quelles actions sont prévues pour faire cesser la pratique des sociétés et entreprises précitées, dont les salaires appliqués sont inférieurs à ceux vraisemblablement signalés au Service de la population pour l’obtention des permis de travail ?
  4. Comment le Conseil d’Etat entend-il agir pour mettre un terme aux montants soustraits des impôts et des assurances sociales du fait de la sous-enchère exercée par Uber et ses partenaires ?
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